lunettes pour dyslexiques

Les Lunettes pour Dyslexique : Une Solution Controversée

Entre le manque criant de professionnels de santé, les délais d’attente pouvant aller jusqu’à 2 ans, les prix prohibitifs des diagnostics et l’absence de prise en charge de la part de la Sécurité sociale… Obtenir un suivi professionnel pour une dyslexie est aujourd’hui un calvaire.

Alors il n’est pas étonnant qu’une “solution miracle” comme les lunettes pour dyslexiques attisent la curiosité. Mais qu’en est-il vraiment ?

Aujourd’hui, je vous propose de découvrir si les lunettes pour aider les personnes dyslexiques sont à la hauteur de leurs prétentions.

Article relu et validé scientifiquement par Camille Roullet (doctorante en neuroscience)

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En Bref

Les lunettes pour dyslexiques fonctionnent-elles ?

Non. Aucune étude scientifique rigoureuse n’a démontré d’effet bénéfique de ces lunettes sur les performances de lecture des personnes dyslexiques.

Non. La dyslexie est un trouble du traitement du langage au niveau cérébral, particulièrement dans les zones de traitement phonologique de l’hémisphère gauche.

L’accompagnement orthophonique avec méthodes explicite et phonologique, combiné à des outils de compensation (livres audio, logiciels, aménagements scolaires) reste la seule approche validée scientifiquement.

399 € non remboursés par la Sécurité sociale ni les mutuelles, pour une efficacité inexistante selon les études indépendantes.

Est-ce que les Lunettes pour Dyslexiques Fonctionnent ? (Non)

À ce jour, il n’y a aucune raison de penser que les lunettes pour dyslexiques améliorent la lecture des personnes présentant ce trouble du neurodéveloppement

En effet, plusieurs études menées par des chercheurs indépendants ont démontré l’absence pleine et totale de bénéfices de ces lunettes sur les performances de lecture des personnes dyslexiques.

Preuves supplémentaires : 

Le Conseil scientifique de l’Éducation nationale ainsi que l’UNADREO (Union National pour le Développement de la Recherche et de l’Évaluation en Orthophonie) ont publié des communiqués afin de souligner cette absence de consensus scientifique et l’insuffisance de la recherche sur l’efficacité supposée des lunettes pour la dyslexie. Ils concluent également leurs publications en rappelant que seule la prise en charge en orthophonie est recommandée par la Haute Autorité de la Santé (HAS) pour les enfants dyslexiques.

Prix et Remboursement

Les lunettes pour dyslexiques disponibles dans le commerce sont vendues au prix de 399 €. Et à l’heure actuelle, ce dispositif n’est pris en charge ni par la Sécurité sociale ni par les mutuelles.

Comment Fonctionnent les Lunettes contre la Dyslexie ?

Ces lunettes sont équipées de verres électroniques qui s’assombrissent et s’éclaircissent à un rythme régulier et de manière presque imperceptible.

Mais pourquoi ce scintillement devrait-il améliorer la lecture des personnes dyslexiques ?

L’invention de ces lunettes repose sur une unique étude scientifique :

Selon les chercheurs Le Floch et Ropars, les personnes dyslexiques présenteraient une absence d’asymétrie dans les zones centrales de leurs rétines (zones sans cônes bleus appelées « centroïdes de Maxwell »). Et cette symétrie empêcherait l’établissement d’une dominance oculaire normale.

En d’autres termes, nous sommes toutes et tous “droitiers” ou “gaucher” des yeux, et les personnes présentant une dyslexie seraient en quelque sorte “ambidextres”.

Conséquence de quoi :

Le cerveau recevrait deux images de force égale causant des confusions sur les lettres miroirs (b/d, p/q).

Et d’après eux, un éclairage pulsé corrigerait cela et améliorerait la lecture.

Une Méthodologie contestée

L’étude de Le Floch et Ropars présente de graves lacunes méthodologiques. Parmi elles, nous pouvons citer :

Un Échantillon Non Validé

L’étude a été menée sur 30 « normolecteurs » (lecture fluide) et 30 « dyslexiques ». Toutefois, AUCUNE information n’a été fournie sur ce second groupe. Il n’est fait mention ni de diagnostic de dyslexie, ni de critères, ni de sévérité ou de la présence ou non d’autres troubles (TDAH, dyspraxie…)

En définitive :

On ne sait même pas si ces 30 personnes étaient réellement dyslexiques. Elles pourraient simplement être de mauvais lecteurs pour d’autres raisons (manque de pratique, langue seconde, troubles attentionnels ou autre).

Le FOVÉASCOPE : Instrument Non Validé

Pour mener cette étude, les chercheurs ont utilisé un instrument de leur cru, le FOVEASCOPE, sur lequel nous manquons de recul. Pour faire un parallèle, c’est comme si quelqu’un inventait un « thermomètre maison » sans jamais vérifier qu’il mesure vraiment la température correctement, puis l’utilisait pour diagnostiquer des maladies.

Le Saut Logique Fatal : Corrélation ≠ Causalité

Les auteurs affirment avec force avoir observé que les dyslexiques ont des centroïdes de Maxwell symétriques et une absence de dominance oculaire. Ils en concluent directement que « la dyslexie est liée à un manque d’asymétrie (observation A) […] ce manque d’asymétrie entraîne leurs difficultés de lecture et d’écriture (observation B)« .

Mais attention : observer deux choses ensemble ne prouve pas que l’une cause l’autre.

Petit instant définition :

  • Corrélation : deux phénomènes se produisent ensemble (par exemple : les ventes de glaces augmentent en même temps que les noyades).
  • Causalité : l’un provoque directement l’autre (par exemple : fumer cause le cancer du poumon).

Dans notre exemple des glaces et noyades, la corrélation existe, mais ce n’est pas la glace qui cause les noyades. C’est un troisième facteur (la chaleur de l’été) qui cause les deux phénomènes simultanément.

Pour prouver que l’observation A (asymétrie rétinienne) CAUSE l’observation B (difficultés de lecture), il faut :

  1. ✅ Montrer que A et B sont associés (corrélation) : C’est ce que fait l’étude : les dyslexiques ont effectivement plus souvent des centroïdes symétriques.
  2. ❌ Montrer que A précède temporellement B : L’étude n’a pas suivi les enfants depuis la naissance pour vérifier que l’asymétrie existait AVANT les difficultés de lecture.
  3. ❌ Éliminer toutes les autres explications possibles : L’étude n’a pas vérifié si d’autres facteurs (génétiques, environnementaux, neurologiques) pourraient expliquer à la fois la dyslexie ET l’asymétrie.
  4. ❌ Démontrer un mécanisme biologique plausible : Comment exactement l’asymétrie rétinienne provoquerait-elle des confusions entre b et d ? Le lien proposé (projections interhémisphériques) reste théorique et non vérifié.
  5. ❌ Prouver que modifier A change B : Si on corrigeait artificiellement l’asymétrie rétinienne chez un bébé, cela préviendrait-il la dyslexie ? Cette expérience n’a jamais été faite.

Conclusion :

L’étude ne prouve absolument pas que l’asymétrie rétinienne CAUSE la dyslexie. Elle montre au mieux une corrélation.

D’autres explications sont tout aussi plausibles :

1. La dyslexie pourrait causer les changements oculaires Plus précisément : les enfants dyslexiques lisent moins et avec plus de difficulté. Or, la lecture intensive est une activité très spécifique qui entraîne l’œil et le système visuel. Les différences oculaires observées pourraient donc être une conséquence du manque d’entraînement visuel lié à la lecture, et non une cause de la dyslexie.

2. Un troisième facteur inconnu pourrait causer les deux Un facteur génétique ou neurologique pourrait à la fois provoquer la dyslexie ET modifier le développement oculaire, sans que l’un cause directement l’autre.

Des Affirmations Thérapeutiques Sans Preuve

Pour ce dernier point, il nous faut revenir sur une des expériences menées durant cette étude. Les chercheurs ont demandé aux étudiants de :

  • Fixer du regard une lettre (par exemple un [b]) pendant ~ 10 secondes ;
  • Fermer les yeux ;
  • Décrire la “post-image” qui apparaît.

Exemple de post image : lorsque vous regardez un flash lumineux (issu d’un appareil photo par exemple), et que vous fermez les yeux immédiatement après, vous “verrez” une tache lumineuse qui persiste quelques secondes.

D’après les scientifiques, les normolecteurs percevraient une seule lettre [b], alors que les dyslexiques verraient une lettre [b] ET une lettre [d] OU un deuxième [b]. Et les lunettes à lumière pulsée amélioreraient cela pour les personnes présentant une dyslexie.

Mais :

Une post-image (yeux fermés) n’a RIEN À VOIR avec la lecture réelle (yeux ouverts et en mouvement, compréhension active). Or, l’étude n’a jamais pris soin de mesurer l’impact des lunettes à lumière pulsée sur l’amélioration de la lecture.

C’est comme si on affirmait qu’un médicament guérit la migraine en observant si vos orteils deviennent violets.

Des Études Robustes prouvant l’Absence de Résultats

Deux études rigoureuses ont systématiquement testé et réfuté l’hypothèse selon laquelle l’éclairage pulsé améliorerait la lecture chez les dyslexiques

La première étude (23 dyslexiques, 19 contrôles) a démontré qu’aucun effet positif de l’éclairage pulsé n’était détectable sur la fluidité de la lecture ou la compréhension, et que 87% des dyslexiques possédaient une dominance oculaire normale, invalidant ainsi le postulat de base de Le Floch et Ropars. 

La seconde étude, comprenant quatre expériences successives (437 participants au total), a testé tant les basses fréquences (10-15 Hz) que les hautes fréquences (80 Hz) avec les dispositifs commerciaux réels (lunettes Lexilens, lampe Lexilight).

Et les résultats sont sans appel : 

Aucun effet bénéfique n’a été observé sur la lecture de lettres, mots ou textes, les confusions miroirs ne sont pas plus fréquentes que les erreurs phonologiques (qui dominent à 23%), et même chez deux personnes affirmant être aidées par ces lunettes, seul un léger effet placebo a été détecté. 

Ces études concluent que les allégations prétendant aider 90% des dyslexiques ne sont pas soutenues par les données scientifiques, et soulignent l’importance de la recherche rigoureuse pour protéger les familles vulnérables.

La Dyslexie n’est Pas un Problème de Vue

Aujourd’hui, la Science est claire sur une chose :

La dyslexie n’est pas un problème de vision, mais un problème d’interprétation cérébrale de ce qui est vu. 

En effet, les recherches tendent à montrer que la dyslexie serait liée à des anomalies congénitales dans le développement du cerveau, en particulier dans l’hémisphère gauche. Ces zones sont impliquées dans le langage, la production des sons et la parole, ainsi que dans les interconnexions entre ces fonctions.

Comment Soigner la Dyslexie ?

Il n’existe ni médicament ni thérapie miracle pour « guérir » la dyslexie.

La dyslexie est un trouble neurodéveloppemental qui accompagne la personne toute sa vie. On ne guérit pas de la dyslexie, mais on apprend à vivre avec et à compenser.

Cependant, des solutions efficaces permettent de réellement progresser.

L’approche la plus efficace repose sur un accompagnement orthophonique et pédagogique adapté qui aide la personne dyslexique à améliorer sa reconnaissance des sons et des mots. 

Le parcours demande du temps et de la persévérance, mais les progrès sont réels. Votre soutien, votre compréhension et votre confiance en ses capacités sont essentiels pour aider votre enfant à surmonter ses difficultés et à révéler tout son potentiel.

Orthophoniste en séance avec une petite fille dyslexique

Les Outils de Compensation

Alors que faire pour apprendre à vivre avec la dyslexie ? Au fil de la scolarité, différents outils peuvent faciliter l’apprentissage de la lecture et l’accès au savoir :

  • Livres audio et synthèse vocale : permettent d’accéder au contenu sans passer par le décodage écrit
  • Logiciels de correction orthographique avancés : aident à l’écriture
  • Ordinateur en classe : compense les difficultés d’écriture manuscrite
  • Temps supplémentaire aux examens : tiers-temps ou temps majoré

Ces aides ne sont pas des « béquilles » honteuses, mais des outils légitimes qui permettent à l’enfant d’accéder aux apprentissages malgré ses difficultés spécifiques, exactement comme des lunettes pour quelqu’un qui a des problèmes de vue.

Ces outils doivent être utilisés intelligemment, en complément de l’entraînement, et non en remplacement.

Si un enfant utilise uniquement la synthèse vocale ou les livres audio dès le plus jeune âge, sans jamais pratiquer la lecture lui-même, l’apprentissage ne se fera pas. Le cerveau a besoin d’entraînement pour créer ces nouvelles voies compensatoires.

Les outils sont là pour soulager et faciliter, mais pas pour éviter complètement l’effort. C’est cet équilibre entre adaptation et entraînement qui permet les meilleurs progrès à long terme.

Que Retenir ?

Malgré des promesses séduisantes, les lunettes pour dyslexiques ne reposent sur aucune preuve scientifique solide et représentent un investissement de 399 € non remboursé pour une efficacité objective inexistante.

La dyslexie étant un trouble du traitement du langage au niveau cérébral et non un problème visuel, seul un accompagnement orthophonique combiné à des aménagements pédagogiques adaptés permet des progrès réels et durables. 

Face à la vulnérabilité des familles confrontées aux délais d’attente et aux coûts des prises en charge, la vigilance face aux solutions miracles reste plus que jamais nécessaire.

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Responsable Marketing

Doctorante en neuroscience

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Camille Roullet

Doctorante en sciences cognitives, Université Claude Bernard Lyon 1

Camille mène des recherches sur les adaptations visuelles des textes pour faciliter la lecture des enfants. Autrice de publications scientifiques et intervenante universitaire, elle traduit les avancées de la recherche en solutions concrètes pour une lecture plus accessible et inclusive.

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